Nicolas Langelier, cofondateur, éditeur et rédacteur en chef de Nouveau Projet, a accepté de répondre aux questions de la Fondation dans le cadre de notre série d’entretiens « En marge ». Nouveau Projet s’est illustré lors de la dernière édition des Prix en décrochant plusieurs mentions honorables, en plus d’être nommé finaliste au titre le plus convoité, Magazine de l’année.
FNPMC : Les membres du jury ont encensé le côté audacieux et original de Nouveau Projet, tout en soulignant la qualité exceptionnelle de la direction artistique et du design. Quelle fut votre réaction lorsque vous avez appris la mise en nomination de Nouveau Projet au titre de Magazine de l’année?
Nicolas : Ç’a Ă©tĂ© Ă la fois une grande surprise et une immense fiertĂ©. Pour un petit magazine indĂ©pendant qui compte seulement deux annĂ©es d’existence, d’ĂŞtre finaliste au titre de Magazine de l’annĂ©e, c’est un honneur inespĂ©rĂ©.
Je me souviens aussi d’avoir ressenti une très grande reconnaissance envers les Prix du magazine canadien, pour arriver ainsi Ă prendre en compte des publications aux ressources et clientèles aussi diverses.
FNPMC : À quels facteurs attribuez-vous le succès remarquable que connait Nouveau Projet?
Nicolas : Je pense qu’il y a d’abord notre obsession pour la qualitĂ©, dans tout ce que nous faisons, du choix de nos sujets jusqu’Ă notre prĂ©sence sur les rĂ©seaux sociaux. Nos lecteurs ressentent ce souci constant, et considèrent que c’est quelque chose pour lequel ils sont prĂŞts Ă payer.
Et puis il me semble que nous venons combler un vide qui s’est créé dans le paysage mĂ©diatique. Avec la tendance gĂ©nĂ©rale vers des textes plus courts, des sujets plus sensationnalistes, du travail fait plus rapidement, s’est libĂ©rĂ©e une place pour des gens offrant justement une contre-tendance Ă tout ça.
Beaucoup de nos lecteurs nous disent que nous leur faisons du bien, et je pense que c’est parce que nous offrons quelque chose que beaucoup de publications considèrent que les lecteurs ne veulent pas, ou ne veulent plus.
FNPMC : L’excellence de votre travail vous a valu plusieurs mentions honorables aux Prix du magazine canadien. Quelle incidence cela a-t-il eue sur votre carrière et sur le rayonnement de Nouveau Projet?
Nicolas : C’est certainement quelque chose qui a eu un impact positif pour nous. Peut-ĂŞtre plus au niveau de notre perception par les autres membres de l’industrie que par le public comme tel, parce que ce dernier (au QuĂ©bec du moins) ne les connait pas nĂ©cessairement beaucoup—mais cette reconnaissance de nos pairs, des annonceurs et des collaborateurs actuels et futurs a une grande valeur pour nous.
Et j’ose aussi croire que cela a permis Ă Nouveau Projet de commencer Ă avoir une certaine visibilitĂ© au Canada anglais, ce qui est important.
FNPMC : Vous avez contribué à de nombreuses publications québécoises. Que fait la singularité des magazines québécois et canadiens, selon vous? En quoi se distinguent-ils par rapport à d’autres publications internationales?
Nicolas : C’est dĂ©jĂ un exploit d’arriver Ă survivre dans un marchĂ© aussi petit, qui pourrait ĂŞtre envahi par les publications Ă©trangères. Je pense que ça en dit long sur la persĂ©vĂ©rance et le courage des gens qui composent cette industrie. D’arriver Ă produire des choses de grande qualitĂ© dans des conditions aussi difficiles, c’est quelque chose dont on peut ĂŞtre fiers.
FNPMC : Vous participez fréquemment aux Prix du magazine canadien, et êtes membre de notre jury bénévole. Alors que vous étiez président de l’Association des journalistes indépendants, vous avez créé les Grands Prix du journalisme indépendant. En quels termes qualifieriez-vous le rôle essentiel que jouent les programmes de prix?
Nicolas : Ils sont essentiels. Bien sĂ»r, ils ne sont pas parfaits, chacun a ses petits dĂ©fauts, ses angles morts, ses chouchous. Mais d’avoir ce genre d’institutions qui valorisent l’excellence et tirent l’ensemble d’une industrie vers le haut, ça me semble absolument nĂ©cessaire. C’est vrai pour les Ă©leveurs de vaches, les architectes ou les artisans qui fabriquent des magazines: nous avons besoin de ces incitatifs Ă nous comparer aux plus talentueux et rigoureux de notre industrie, et Ă sortir le meilleur de nous-mĂŞmes.
FNPMC : Votre maison d’édition, Atelier 10, a récemment lancé la collection « Pièces ». Quel avenir souhaitez-vous pour Atelier 10 et pour vos publications? Quels sont vos objectifs à plus long terme?
Nicolas : J’ai envie que nous devenions une rĂ©fĂ©rence pour tout ce qui est culture et idĂ©es au QuĂ©bec—et dans le reste de la francophonie, Ă©ventuellement. Publier les meilleurs auteurs et artistes visuels, et les faire dĂ©couvrir Ă nos lecteurs. Produire diffĂ©rents types de publications, mais toujours avec une grande rigueur, et un souci constant des moindres dĂ©tails.
Je crois encore beaucoup au papier, en tant que mĂ©dium pour transmettre des idĂ©es, des informations, des valeurs, et j’ai envie de prouver qu’ils ont tort, tous ceux qui prĂ©disent la mort de l’imprimĂ©. Cela ne veut pas dire que nous nĂ©gligeons le numĂ©rique pour autant: tout ce que nous faisons est aussi disponible en version numĂ©rique. Mais le papier a une place spĂ©ciale dans mon cĹ“ur, et je pense que c’est le cas aussi pour la majoritĂ© du public. Aussi bien en profiter!
Sinon, ultimement, je souhaite que notre travail ait un impact positif au niveau culturel, social, intellectuel. Si nous faisons tout cela, malgrĂ© les obstacles et les conditions difficiles, c’est parce que nous croyons que des changements sont nĂ©cessaires, dans notre sociĂ©tĂ©, et nous croyons aussi que les mĂ©dias continuent d’avoir un rĂ´le primordial Ă jouer pour faire avancer les choses, dans tous les domaines. Oui, les dernières 15 annĂ©es ont fait mal Ă notre industrie, mais c’est Ă nous de trouver les manières de continuer Ă jouer notre rĂ´le, en dĂ©pit de tout ça. Ce serait extrĂŞmement dommage pour l’humanitĂ©, si un simple changement de contexte Ă©conomique la privait de ce moteur essentiel que sont les mĂ©dias de qualitĂ©.
DĂ©couvrir plus sur le magazine Nouveau Projet au nouveauprojet.com et sur Twitter @nouveau_project.Â
Textes signés par Nicolas Langelier, à lire dans les archives de la Fondation :
Solstice +20, Nouveau Projet. Catégorie Essais, 2013
Le sida a 30 ans, ELLE Québec, coécrit avec Martina Djogo. Catégorie Société, 2011
De l’utilisation du mot pute par la jeune femme moderne, L’actualité. Catégorie Essais, 2007
« En Marge » : Lire d’autres entretiens
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La FNPMC a le plaisir de présenter « En marge », une série d’entretiens réalisés avec des auteurs primés aux Prix du magazine canadien. Pour amorcer la série, la Fondation s’est entretenue avec la journaliste scientifique Dominique Forget.
Maintes fois rĂ©compensĂ©e aux Prix du magazine, Mme Forget raflĂ© pas moins de cinq prix: quatre mentions honorables et une mĂ©daille d’or. En 2012, elle a rĂ©coltĂ© trois mentions honorables pour des textes publiĂ©s dans autant de magazines. Lors de la plus rĂ©cente Ă©dition des prix, elle s’est encore une fois illustrĂ©e, avec l’équipe de QuĂ©bec Science, en remportant la mĂ©daille d’or dans la catĂ©gorie Dossiers thĂ©matiques : imprimĂ©s.
FNPMC : Québec Science a accumulé les honneurs aux Prix du Magazine canadien au fil des ans. Cette année, votre équipe a remporté la médaille d’or dans la catégorie Dossiers thématiques- imprimés. Que fait la force de Québec Science à votre avis?
Dominique : QuĂ©bec Science occupe une niche peu exploitĂ©e. Il est le seul magazine au Canada qui aborde des sujets de sociĂ©tĂ© sous l’angle des sciences.
L’Ă©quipe est petite, mais dĂ©vouĂ©e. MalgrĂ© les pressions grandissantes des annonceurs pour publier du contenu payĂ© dans le magazine, QuĂ©bec Science arrive Ă prĂ©server farouchement son indĂ©pendance et Ă miser sur des sujets qui comptent.
Continue reading “En marge, avec Dominique Forget”
La sĂ©rie En Marge paraĂ®tra pĂ©riodiquement dans notre blogue. Cette semaine, nous dĂ©couvrons quoi de neuf avec l’illustratrice Isabelle Arsenault, laurĂ©ate de 2 Prix du magazine canadien et de 2 Prix littĂ©raires du Gouverneur gĂ©nĂ©ral.
FNPMC: Nous vous félicitons de gagner récemment votre deuxième Prix littéraire du Gouverneur général (illustrations, jeunesse, français). Votre livre, Jane, le renard et moi, écrit par Fanny Britt, raconte l’histoire d’Hélène, une jeune fille qui fait l’objet d’intimidation par ses condisciples, se sent inférieure et dont le seul plaisir est de lire Jane Eyre. En quoi cette histoire a-t-elle une résonance chez vous, et comment avez-vous créé l’image d’Hélène?
Isabelle : Le personnage d’Hélène est une jeune fille discrète qui se retrouve sans amies à un âge où l’appartenance à un groupe prend de l’importance. Sans avoir été moi-même victime d’intimidation, je me suis inspirée de souvenirs de ma propre jeunesse, de scènes dont j’ai été témoin et d’impressions que ces souvenirs m’ont laissé.
J’ai décidé de représenter Hélène comme étant une fille sans style particulier, plutôt neutre et effacée à laquelle le lecteur puisse facilement s’identifier.
FNPMC : Plus tĂ´t l’annĂ©e 2013, vous avez remportĂ© un Prix du magazine canadien, votre deuxième, pour une sĂ©rie d’illustrations dans QuĂ©bec Science, dans le cadre d’un article intitulĂ© « Organes recherchĂ©s ». Quel processus crĂ©atif utilisez-vous lorsque vous illustrez un article de magazine? Puisez-vous votre inspiration exclusivement du texte, ou d’autres sources? Continue reading “En marge, avec Isabelle Arsenault”
La sĂ©rie En marge est une exclusivitĂ© produite par la Fondation nationale du prix du magazine canadien (FNPMC) et qui offre aux anciens laurĂ©ats de Prix du magazine canadien une tribune oĂą ils sont invitĂ©s Ă exprimer ce que leur prix a signifiĂ© pour eux et Ă nous dire oĂą ils en sont aujourd’hui dans leur carrière. La sĂ©rie En Marge paraĂ®tra pĂ©riodiquement dans notre blogue. Cette semaine, nous dĂ©couvrons quoi de neuf avec Catherine DubĂ©, rĂ©dactrice du magazine L’actualitĂ©.
[The English version of this interview will be published tomorrow.]
FNPMC : L’année dernière, vous avez remporté le Prix d’or dans la catégorie Service : Santé et famille, pour votre article « Demain, des centres à 7 $ par jour pour les vieux? », votre septième Prix du magazine canadien au cours des cinq dernières années! Qu’est-ce qui vous a incité à rédiger cet article?

Catherine Dubé : Cette idée est issue d’une réunion de rédaction de L’actualité. Nous nous sommes demandé ce qui nous attend d’ici 10 à 20 ans : nous sommes tous des aidants naturels en sursis ! Le système de santé n’est pas préparé à prendre soin de la cohorte vieillissante des baby-boomers.
Le principal défi de ce reportage consistait à intéresser les lecteurs à ce sujet a priori pas très sexy…
J’ai fait ce que je fais toujours : illustrer l’information par de nombreux exemples concrets. Je me suis efforcĂ©e de trouver des solutions novatrices, comme les haltes rĂ©pit qui ont inspirĂ© le titre du reportage. Continue reading “En marge, avec Catherine DubĂ©”
La nouvelle série En marge est une exclusivité produite par la Fondation nationale du prix du magazine canadien (FNPMC) et qui offre aux anciens lauréats de Prix du magazine canadien une tribune où ils sont invités à exprimer ce que leur prix a signifié pour eux et à nous dire où ils en sont aujourd’hui dans leur carrière. La série « En marge » paraîtra périodiquement dans notre blogue à l’automne 2012. Cette semaine, nous découvrons quoi de neuf avec Pascale Millot, rédactrice en chef adjointe du magazine Québec Science.
FNPMC: Au cours de son histoire, Québec Science a remporté 24 Prix du magazine canadien dont 13 au cours des 7 dernières années, notamment dans des catégories telles que Santé et médecine, Société, Dossiers thématiques et Science, technologie et environnement. Quelle est l’importance pour vous, comme rédactrice en chef adjointe, de voir votre équipe reconnue pour son travail? Et, selon vous, ce succès a-t-il un impact sur vos lecteurs?

Pascale Millot: À la rédaction de Québec Science, nous sommes toujours fiers et heureux de voir le travail de nos journalistes reconnu par des prix aussi prestigieux que ceux de la Fondation des magazines canadiens. D’une part, parce que ces prix soulignent le talent de nos collaborateurs.
Ensuite, ces prix montrent la rigueur et l’originalité du travail qui est fait à Québec Science depuis des années. Vous savez, derrière un reportage se cache un important travail d’équipe.
Bien sûr, le plus grand mérite revient au journaliste qui l’écrit, mais le choix du sujet, la révision, le choix des titres et surtout l’encadrement pendant la recherche et la rédaction sont aussi d’une importance capitale et font souvent la différence entre un reportage «publiable» et une œuvre remarquable.
Quant à nos lecteurs, ils sont toujours impressionnés de voir notre récolte de prix. Je crois que cela renforce notre crédibilité.
FNPMC: L’année dernière, vous avez également remporté un Prix du magazine canadien pour votre article « Quand je serai plus là , qui va s’occuper de mes poissons? ». Ce reportage racontait l’histoire d’enfants qui souffrent de maladies mortelles et traitait de la réalité des soins palliatifs pour les jeunes, au Canada. Comment avez-vous été informée de ce dossier et pourquoi avez-vous décidé de faire enquête à ce sujet?
Pascale Millot: J’aime à répéter que, si j’avais eu plus d’audace et pas d’enfants, j’aurais fait du reportage en zone de guerre. Je pense en effet que les journalistes ont la responsabilité de nous faire découvrir des réalités peu connues et extrêmes.
Je ne fais pas de reportage en zone de conflit, mais je m’efforce tout de même de traiter de sujets extrêmes où des hommes et des femmes sont poussés au bout de leurs limites. C’est le genre de sujets qui me passionne et dont j’ai besoin pour garder mon intérêt dans ce métier.
Parler des enfants qui vont mourir, du don d’organes, de la torture, du suicide, de la maladie mentale et de toutes ces situations où l’être humain est poussé au bout de lui-même est ma manière à moi de faire du reportage extrême. En ce qui concerne ce sujet précis des soins palliatifs pédiatriques, j’ai été frappée de constater à quel point la mort, et particulièrement la mort des enfants, est taboue dans notre société.
D’ailleurs, beaucoup de gens autour de moi ne comprenaient pas pourquoi je me penchais sur un tel sujet, comme si c’était trop triste pour en parler. Mais c’est justement pour cela qu’il faut en parler.
FNPMC: Cette année, Québec Science célèbre son 50e anniversaire. Qu’avez-vous fait pour souligner cet anniversaire et quels sont les objectifs futurs du magazine?
Pascale Millot: C’est un gros anniversaire! 50 ans pour un magazine au Québec, c’est une incroyable longévité. D’autant plus qu’il s’agit du seul magazine de science destiné au grand public au Canada.
Pour souligner cette grande année, nous avons produit un numéro spécial qui présente les 50 grands défis de la recherche scientifique. Notre rédacteur en chef, Raymond Lemieux, a également publié un livre, Il était une fois Québec Science (Éditions MultiMondes), qui raconte l’histoire du magazine, mais aussi de la culture scientifique au Québec. Nous avons aussi repensé complètement notre site Internet et nous avons (enfin!) rendu nos archives accessibles en ligne.
Nos objectifs futurs? Produire de l’information sous forme numérique, mais aussi et surtout continuer à produire des reportages de fond, bien écrits, à même d’informer et de captiver un public non spécialiste. Il est de plus en plus difficile de produire de l’information de qualité, de fouiller des sujets, de prendre le temps de comprendre les différentes facettes d’un dossier.
Le reportage magazine demande du talent, mais aussi du temps et de la rigueur, des valeurs qui sont malheureusement de moins en moins dans l’air du temps.
FNPMC: Merci Pascale!
Découvrir plus à quebecscience.qc.ca. Lire la suite des gagnants du magazine Québec Science dans nos archives.


