En marge, avec Nicolas Langelier

Nicolas Langelier (Photographe : Maxime Leduc); Nouveau Projet numéro 6
Nicolas Langelier (Photographe : Maxime Leduc) ; Nouveau Projet numéro 6

Nicolas Langelier, cofondateur, Ă©diteur et rĂ©dacteur en chef de Nouveau Projet, a acceptĂ© de rĂ©pondre aux questions de la Fondation dans le cadre de notre sĂ©rie d’entretiens « En marge ». Nouveau Projet s’est illustrĂ© lors de la dernière Ă©dition des Prix en dĂ©crochant plusieurs mentions honorables, en plus dâ€™Ăªtre nommĂ© finaliste au titre le plus convoitĂ©, Magazine de l’annĂ©e.
FNPMC : Les membres du jury ont encensé le côté audacieux et original de Nouveau Projet, tout en soulignant la qualité exceptionnelle de la direction artistique et du design. Quelle fut votre réaction lorsque vous avez appris la mise en nomination de Nouveau Projet au titre de Magazine de l’année?
Nicolas : Ç’a Ă©tĂ© Ă  la fois une grande surprise et une immense fiertĂ©. Pour un petit magazine indĂ©pendant qui compte seulement deux annĂ©es d’existence, d’Ăªtre finaliste au titre de Magazine de l’annĂ©e, c’est un honneur inespĂ©rĂ©.
Je me souviens aussi d’avoir ressenti une très grande reconnaissance envers les Prix du magazine canadien, pour arriver ainsi Ă  prendre en compte des publications aux ressources et clientèles aussi diverses.
FNPMC : À quels facteurs attribuez-vous le succès remarquable que connait Nouveau Projet?
Nicolas : Je pense qu’il y a d’abord notre obsession pour la qualitĂ©, dans tout ce que nous faisons, du choix de nos sujets jusqu’Ă  notre prĂ©sence sur les rĂ©seaux sociaux. Nos lecteurs ressentent ce souci constant, et considèrent que c’est quelque chose pour lequel ils sont prĂªts Ă  payer.
Et puis il me semble que nous venons combler un vide qui s’est créé dans le paysage mĂ©diatique. Avec la tendance gĂ©nĂ©rale vers des textes plus courts, des sujets plus sensationnalistes, du travail fait plus rapidement, s’est libĂ©rĂ©e une place pour des gens offrant justement une contre-tendance Ă  tout ça.
Beaucoup de nos lecteurs nous disent que nous leur faisons du bien, et je pense que c’est parce que nous offrons quelque chose que beaucoup de publications considèrent que les lecteurs ne veulent pas, ou ne veulent plus.
« Faux-self mon amour » par Fanny Britt (Nouveau Projet) ; Médaille d'or, Journalisme personnel, 2012
Faux-self mon amour, par Fanny Britt (Nouveau Projet) ; MĂ©daille d’or, Journalisme personnel, 2012

FNPMC : L’excellence de votre travail vous a valu plusieurs mentions honorables aux Prix du magazine canadien. Quelle incidence cela a-t-il eue sur votre carrière et sur le rayonnement de Nouveau Projet?
Nicolas : C’est certainement quelque chose qui a eu un impact positif pour nous. Peut-Ăªtre plus au niveau de notre perception par les autres membres de l’industrie que par le public comme tel, parce que ce dernier (au QuĂ©bec du moins) ne les connait pas nĂ©cessairement beaucoup—mais cette reconnaissance de nos pairs, des annonceurs et des collaborateurs actuels et futurs a une grande valeur pour nous.
Et j’ose aussi croire que cela a permis Ă  Nouveau Projet de commencer Ă  avoir une certaine visibilitĂ© au Canada anglais, ce qui est important.
FNPMC : Vous avez contribué à de nombreuses publications québécoises. Que fait la singularité des magazines québécois et canadiens, selon vous? En quoi se distinguent-ils par rapport à d’autres publications internationales?
Nicolas : C’est dĂ©jĂ  un exploit d’arriver Ă  survivre dans un marchĂ© aussi petit, qui pourrait Ăªtre envahi par les publications Ă©trangères. Je pense que ça en dit long sur la persĂ©vĂ©rance et le courage des gens qui composent cette industrie. D’arriver Ă  produire des choses de grande qualitĂ© dans des conditions aussi difficiles, c’est quelque chose dont on peut Ăªtre fiers.
« Solstice +20 par Nicolas Langelier (Nouveau Projet) ; Mention honourable, Essais, 2013
Solstice +20 par Nicolas Langelier (Nouveau Projet) ; Mention honourable, Essais, 2013

FNPMC : Vous participez frĂ©quemment aux Prix du magazine canadien, et Ăªtes membre de notre jury bĂ©nĂ©vole. Alors que vous Ă©tiez prĂ©sident de l’Association des journalistes indĂ©pendants, vous avez créé les Grands Prix du journalisme indĂ©pendant. En quels termes qualifieriez-vous le rĂ´le essentiel que jouent les programmes de prix?
Nicolas : Ils sont essentiels. Bien sĂ»r, ils ne sont pas parfaits, chacun a ses petits dĂ©fauts, ses angles morts, ses chouchous. Mais d’avoir ce genre d’institutions qui valorisent l’excellence et tirent l’ensemble d’une industrie vers le haut, ça me semble absolument nĂ©cessaire. C’est vrai pour les Ă©leveurs de vaches, les architectes ou les artisans qui fabriquent des magazines: nous avons besoin de ces incitatifs Ă  nous comparer aux plus talentueux et rigoureux de notre industrie, et Ă  sortir le meilleur de nous-mĂªmes.
FNPMC : Votre maison d’édition, Atelier 10, a récemment lancé la collection « Pièces ». Quel avenir souhaitez-vous pour Atelier 10 et pour vos publications? Quels sont vos objectifs à plus long terme?
Nicolas : J’ai envie que nous devenions une rĂ©fĂ©rence pour tout ce qui est culture et idĂ©es au QuĂ©bec—et dans le reste de la francophonie, Ă©ventuellement. Publier les meilleurs auteurs et artistes visuels, et les faire dĂ©couvrir Ă  nos lecteurs. Produire diffĂ©rents types de publications, mais toujours avec une grande rigueur, et un souci constant des moindres dĂ©tails.
Je crois encore beaucoup au papier, en tant que mĂ©dium pour transmettre des idĂ©es, des informations, des valeurs, et j’ai envie de prouver qu’ils ont tort, tous ceux qui prĂ©disent la mort de l’imprimĂ©. Cela ne veut pas dire que nous nĂ©gligeons le numĂ©rique pour autant: tout ce que nous faisons est aussi disponible en version numĂ©rique. Mais le papier a une place spĂ©ciale dans mon cÅ“ur, et je pense que c’est le cas aussi pour la majoritĂ© du public. Aussi bien en profiter!
Sinon, ultimement, je souhaite que notre travail ait un impact positif au niveau culturel, social, intellectuel. Si nous faisons tout cela, malgrĂ© les obstacles et les conditions difficiles, c’est parce que nous croyons que des changements sont nĂ©cessaires, dans notre sociĂ©tĂ©, et nous croyons aussi que les mĂ©dias continuent d’avoir un rĂ´le primordial Ă  jouer pour faire avancer les choses, dans tous les domaines. Oui, les dernières 15 annĂ©es ont fait mal Ă  notre industrie, mais c’est Ă  nous de trouver les manières de continuer Ă  jouer notre rĂ´le, en dĂ©pit de tout ça. Ce serait extrĂªmement dommage pour l’humanitĂ©, si un simple changement de contexte Ă©conomique la privait de ce moteur essentiel que sont les mĂ©dias de qualitĂ©.
Nouveau Projet numéro 3, direction artistique par Jean-François Proulx. Mention honourable, direction artistique de l'ensemble d'un numéro, 2013.
Nouveau Projet numĂ©ro 3, direction artistique par Jean-François Proulx. Mention honourable, direction artistique de l’ensemble d’un numĂ©ro, 2013.

Découvrir plus sur le magazine Nouveau Projet au nouveauprojet.com et sur Twitter @nouveau_project. 
Textes signés par Nicolas Langelier, à lire dans les archives de la Fondation :
Solstice +20, Nouveau Projet. Catégorie Essais, 2013
Le sida a 30 ans, ELLE Québec, coécrit avec Martina Djogo. Catégorie Société, 2011
De l’utilisation du mot pute par la jeune femme moderne, L’actualité. Catégorie Essais, 2007
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