En marge, avec Jean-François Proulx

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Photographe: Dominique Lafond

En juin dernier, à l’occasion du gala des Prix du magazine canadien, la récolte a été faste pour le magazine Nouveau Projet. En plus d’avoir décroché le prestigieux titre de Magazine de l’année, Nicolas Langelier et son équipe ont récolté deux médailles d’or, une médaille d’argent et trois mentions honorables, dont la médaille d’or pour la meilleure direction artistique d’un numéro (« Ce Canada dont nous ne voulons pas »). Le jury a salué la vision du directeur artistique Jean-François Proulx en lui octroyant la plus haute distinction pour une catégorie visuelle. Depuis NP01, Jean-François Proulx fait équipe avec Nouveau Projet pour créer l’identité visuelle du magazine. La Fondation s’est entretenue avec lui afin d’en savoir davantage à propos de son parcours et de sa démarche artistique.

 

FPMC : Vous êtes le directeur artistique de Nouveau Projet, m
ais vous dirigez aussi Balistique, que vous décrivez comme étant un « NP03-2studio de collaboration graphique à géométrie variable ». Pouvez-vous nous parler brièvement de votre cheminement professionnel et de la petite histoire de ce studio?

Jean-François Proulx : En 2016, Balistique célébrera ses 8 ans, dont 5 passées avec nos amis du magazine Nouveau Projet, depuis leurs débuts. C’est un désir d’indépendance combiné à un certain esprit d’entreprenariat qui m’a poussé à lancer ce studio, après avoir travaillé quelques années en agence, ici, dans le Vieux-Montréal. Balistique n’est pas un studio au sens traditionnel. Pas de bureaux, de secrétaire ou de photocopieur. Seulement une équipe flexible créée sur mesure pour les besoins de chaque client, travaillant sous ma direction artistique (branding, édition, web, applications mobiles). Les méthodes contemporaines de travail changent, et la mobilité est maintenant un atout pour les entreprises créatives qui peuvent collaborer avec différentes personnes, dans un processus organique. Depuis 2008, nous travaillons particulièrement avec des organisations dans les milieux culturels et corporatifs. Et cette année marquera aussi le lancement d’un projet parallèle d’entreprise avec la conception et l’édition d’une application mobile (plus de détails à venir).

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FPMC : Vous réalisez divers projets sous la bannière Balistique : conception graphique de logos, de jaquettes de livres, de programmes, d’affiches. En quoi votre approche diffère-t-elle selon le projet que vous abordez? Plus spécifiquement, quel est le processus de création en ce qui concerne Nouveau Projet?

JFP : Chaque projet est unique et nécessite une approche différente. Balistique s’entoure de collaborateurs talentueux qui sauront mener chaque projet à bon port. Dans le cas du magazine Nouveau Projet, nous travaillons à proximité de l’équipe éditoriale. Assez tôt dans le processus (jusqu’à 6 mois avant l’envoi du magazine à l’imprimeur) nous organisons des rencontres de production hebdomadaires, qui nous permettent de bien planifier la création visuelle du magazine, à mesure que la direction des textes se précise. Ensuite, je rédige un brief créatif précis pour commander les oeuvres et photos qui illustreront le magazine. L’apport des collaborateurs est évidemment toujours apprécié et encouragé. Enfin, comme pour chaque projet d’envergure, la production se termine par un mois de production et d’échanges de toutes sortes, entre l’équipe créative et la rédaction. Ces jours-ci, nous travaillons d’ailleurs à la conception du prochain numéro du printemps-été 2016.

 

FPMC : En page couverture du numéro « Ce Canada dont nous ne voulons pas », pour lequel vous avez reçu la médaille d’or, le portrait de David Suzuki donne spontanément envie aux lecteurs de parcourir le magazine. L’utilisation de la lumière donne l’impression de plonger au cœur des préoccupations du scientifique. L’effet est vraiment saisissant. Pouvez-vous nous parler de la création de cette page couverture et de votre collaboration avec la photographe Dominique Lafond?

JFP: Je pense que cette couverture est toute spéciale pour le magazine. Elle marque l’entrée de Nouveau Projet dans la sphère des grands magazines de société. La couverture a été réfléchie ici, mais c’est à Toronto que nous avons dû rencontrer monsieur Suzuki. Son horaire est extrêmement chargé, et il n’était malheureusement pas disponible pour une visite à Montréal. Dominique Lafond et son équipe (Rodéo Productions) ont réussi à organiser une séance éclair à Toronto. Et quelle rencontre ça a été! Monsieur Suzuki est un grand homme qui possède une impressionnante expérience. Il était tellement bavard que nous devions parfois l’interrompre pour prendre les photos.

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FPMC : Pourquoi avoir choisi le rouge pour le titre du magazine sur cette page couverture, plutôt que le blanc, utilisé ailleurs? Ce choix semble aussi en rupture avec les numéros précédents.

JFP: L’optimisme habituel des couvertures de Nouveau Projet a été légèrement revu pour ce numéro. Le dossier central touche un sujet assez grave, soit la disparition d’une certaine idée du Canada, autrefois perçu comme une nation progressiste. Le rouge semblait la couleur idéale pour illustrer ce sujet important.

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FPMC : D’une couverture à l’autre du magazine, le texte alterne entre le noir et l’orange, ce qui rend la lecture plus conviviale tout en mettant en valeur certains passages. Le style est sobre, et la couleur est utilisée parcimonieusement. En quoi ces choix reflètent-ils l’identité visuelle que vous désiriez conférer au magazine?

JFP : Nouveau Projet est un espace de lecture et de réflexion. Sans être brutalement minimaliste, la signature visuelle du magazine favorise une certaine élégance et invite les lecteurs à prendre leur temps (dans la lecture, la réflexion et même dans la vie en général). On s’éloigne aussi de la signature des créations éphémères à la mode (puisqu’elles ne survivent pas toujours à l’épreuve du temps).

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FPMC : Depuis l’ouverture de votre studio en 2008, la qualité de votre travail a été saluée à maintes reprises. Aux Prix du magazine canadien en particulier, vous avez remporté cette année la médaille d’or pour la direction artistique d’un numéro, et étiez finaliste dans cette même catégorie en 2014. Quel impact ces distinctions ont-elles eu sur votre carrière?

JFP : Malgré une importance démesurée accordée par l’industrie (et surtout les jeunes designers), les distinctions en design ne changent pas le monde et ne prédisent pas le succès ou l’échec d’une carrière en design graphique. Je préfère toujours réfléchir avec une certaine humilité: je pense qu’un prix en design est surtout une précieuse occasion de remercier le client qui nous a fait confiance, et féliciter l’équipe qui travaille derrière le projet gagnant. On pense immédiatement à l’équipe de création, mais n’oublions jamais le travail passionné de tous les acteurs qui font qu’un magazine de qualité peut voir le jour.

Aussi à lire : Entretien avec Nicolas Langelier

Dans les archives de la Fondation:

La pointe des utopies, médaille d’or, Paroles et images

Régénérescences, médaille d’argent, Dossiers thématiques

Plage Laval, mention honorable, Journalisme personnel

 

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